Une exposition sur les timbres Marianne, leurs géniteurs, leurs auteurs, leurs significations, les oeuvres qui les illustrent est présentée au coeur des collections du Musée de La Poste, à Paris 15ème.
Les actualités parfois, souvent, se percutent. Avec bonheur ou non… C’est alors que le Musée de La Poste consacre une jolie exposition aux timbres « Marianne » que l’annonce de l’abandon de la Marianne rouge, rapide en acheminement, est tombée. Exit donc le 1er janvier prochain « L’engagée » (c’est le nom, apparaissant un peu paradoxal aujourd’hui, qu’on lui a donné) choisie en 2018 par le Président de la République…
Restera la « verte », plus lente mais plus vertueuse dit-on, pour aiguiller – ce sera désormais en trois jours – les courriers qui résistent encore au numérique. Rouge ou vert, ces timbres et les œuvres dont ils sont issus figurent au sein de l’accrochage que le musée propose tout l’été afin d’honorer ces « Marianne » qui se sont succédé à travers le temps. Et tout spécialement celles apparues tour à tour depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
« Si la Marianne en tant que symbole de la République et de la liberté est née en 1792, figurant ainsi sur les sceaux et les monnaies de l’époque, elle n’a plus été prépondérante, en particulier dans ses représentations philatéliques, aux XIXème et début du XXème siècles, explique Monika Nowaka, la co-commissaire de l’exposition, ce n’est qu’à partir de 1944 qu’elle a de nouveau eu droit de cité, repris toute sa place, et c’est pourquoi nous avons choisi de raconter depuis lors son histoire, ses évolutions, les intentions qu’on lui prête, qu’elle exprime… »
Et ces petites vignettes, ces timbres d’usage courant comme on les nomme communément, ces « messagers » officiels, sont loin d’être anodines, anecdotiques. Loin d’être hasardeuses aussi. Elles disent beaucoup sur l’état d’esprit, le positionnement politique ou culturel de leur initiateur, le Président de la République.
Le choix de l’artiste comme celui de l’œuvre retenue – les projets refusés aussi – sont autant d’indications sur sa volonté de communication, l’importance du message ainsi véhiculé.
Présentée au cœur des collections du musée, tout près du panorama des timbres, en une centaine de pièces l’exposition raconte ainsi un peu d’Histoire de France à travers l’histoire des Marianne.
En 2018, signe des temps et des tendances, Emmanuel Macron avait jeté son dévolu sur le travail d’une street artiste, Yseult YZ Digan. La Marianne « engagée » de la créatrice, bonnet phrygien sur la tête, s’affichait à la fois boudeuse et volontaire. Modernité, désir de bousculer…
La précédente, voulue par François Hollande, dite « Marianne de la jeunesse », avait un peu fait polémique. Bien que délicate, presque « botticellienne », on lui reprochait, et son auteur, Olivier Ciappa, ne s’en cachait pas, d’être inspirée par la femen Inna Shevchenko. Air du temps, provocation…
Quelques années auparavant, le choix de Nicolas Sarkozy, n’avait pas suscité autant d’émoi. Le profil neutre, un rien triste dessiné par Yves Beaujard, ne devait pas détourner le regard des étoiles « européennes » disposées tout autour… Europe, quand tu nous tiens…
Et ainsi on remonte le temps. Avec la Marianne du deuxième mandat de Jacques Chirac, stylisée, comme surgie d’une fleur, préoccupation – au moins affichée – pour l’environnement… Communication…
Précédemment, après sa première élection, Jacques Chirac avait donné son feu vert à une Marianne plus discrète , d‘Eve Luquet, laissant une large place à la devise de la République figurant en haut du timbre. Liberté, égalité, fraternité, message consensuel, fédérateur, irréprochable… Facilité…
François Mitterrand, Président à deux reprises lui-aussi, avait replacé sur la tête de Marianne le bonnet phrygien que son prédécesseur, Valéry Giscard d’Estaing, avait retiré. Affirmation politique, contrepied…
Georges Pompidou, en bon banquier, avait auparavant, tout en conservant une Marianne réduite, favorisé l’indication du prix du timbre, histoire de faciliter le tri entre tarif rapide et tarif lent… L’économie a ses raisons…
Et Charles de Gaulle, une dizaine d’années avant, qui valide le projet de Marianne dessiné par Jean Cocteau (dont on dit qu’elle aurait le profil de Jean Marais… ).
Et René Coty, dans les années 1950, et De Gaulle encore après la guerre…
Tous ces timbres, leurs dessins originaux, leurs concurrents malchanceux sont accompagnés des photos officielles de tous les présidents qui les ont validés.
Et là-encore, il y a matière à observation. La communication, le message, la « patte » sont partout.
De Gaulle en grand habit, regard à gauche, main droite posée sur des livres. Pompidou, à l’identique, mais regard à droite, sans livres cette fois. Giscard, portrait serré, en tenue de ville, lui seul. Mitterrand, portrait serré aussi, livre ouvert en main. Chirac, l’Elysée au fond, léger sourire, comme pour dire « j’y suis ». Sarkozy, drapeaux français et européen, bras ballants, ventre rebondi. Hollande, dans les jardins de l’Elysée, bras ballants lui-aussi, pelouse sombre, ciel « cramé », photo normale. Macron, debout devant son bureau, deux mains agrippées sur les bords…
A quand la prochaine Marianne. On a hâte… En attendant, c’est à voir au Musée de La Poste.
Texte et photos Rodolphe Pays
« Les visages de la République », jusqu’au 17 septembre au musée de La Poste, 34 boulevard de Vaugirard, Paris 15ème.
Ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 11 h à 18 h.
En savoir plus : www.museedelaposte.fr